VIDEO. On lui a volé sa vie sur Facebook

VIDEO. On lui a volé sa vie sur Facebook

    Il raconte son histoire à toute vitesse, brandit à tour de bras documents officiels, contrats, captures d'écran, soucieux de donner foi à son récit. « Cette affaire est tellement incroyable qu'au bout d'un moment, même mes amis les plus fidèles ont commencé à douter... » soupire Malek Mokrani. Durant plus d'un an, ce chef d'entreprise de 43 ans a été victime d'une usurpation d'identité sur les réseaux sociaux qui, au fil des mois, a pris des proportions colossales, au point d'avoir des répercussions sur toute sa vie, y compris sa santé.

    Trois ans après le début de son calvaire, Malek Mokrani a obtenu vendredi la condamnation de son bourreau, Mehdi Lajnef -- un ancien associé qui a reconnu les faits -- par la cour d'appel de Paris. Le début d'une reconstruction personnelle pour Malek Mokrani et le prélude, peut-être, à un nouveau départ professionnel. C'est en effet de là que tout est parti, au printemps 2011. A l'époque prospère chef d'entreprise dans la communication et dans l'événementiel, Malek Mokrani devient subitement la cible d'un mystérieux ennemi. Celui-ci parvient non seulement à pirater sa boîte mail, mais aussi son compte Facebook, y puisant photos intimes, données confidentielles et personnelles.

    «Il m'a inscrit sur des sites pédophiles, libertins...»

    L'usurpateur expédie à l'ensemble des contacts professionnels de Malek -- environ 8 000 --, en passant par la propre boîte mail du chef d'entreprise, et plus tard grâce à une copie de celle-ci, plus de 500 courriels le qualifiant d'escroc et de drogué. Sur Facebook -- dont Malek fait avant tout un usage professionnel --, l'imposteur affiche des dizaines de photomontages de sa cible arborant une croix gammée, ou en train de prendre de la cocaïne ; publie des propos antisémites, insulte ses amis et la propre fille de Malek, âgée de 10 ans, qui se verra traitée de « sale pute » sur le réseau social prétendument par son père.

    L'usurpateur prolonge l'attaque en créant jusqu'à cinq faux comptes Facebook au nom de Malek et de faux profils sur un réseau social professionnel, où il apparaît tantôt employé chez « Escroquerie & Co », tantôt chez « escroc management »...

    Lorsque Malek Mokrani parvient à reprendre le contrôle de sa boîte mail, grâce à une difficile procédure auprès de son hébergeur, c'est pour la retrouver... Entièrement vide. « J'ai perdu treize ans de travail. Cette boîte mail, c'était mon bureau », détaille Malek. Il tente une campagne auprès de ses contacts professionnels, mais son usurpateur réplique en envoyant de faux mails émanant, soi-disant, de proches de Malek (ex-compagne, financier renommé, avocate d'affaires...) pour le discréditer à nouveau.

    VIDEO. Malek Mokrani raconte son cauchemar

    Les répercussions sont sans appel : les uns après les autres, les contrats tombent à l'eau, chefs d'entreprise ou financiers refusant désormais d'associer leur nom à Malek Mokrani. « L'événementiel et la communication, c'est un petit monde où la réputation et la confiance comptent plus que tout, détaille Malek. Et que fait un chef d'entreprise quand il veut travailler avec quelqu'un ? Il tape son nom dans Google. »

    D'autant que les agissements de son tourmenteur numérique ne cessent pas. Ils se diversifient. Lorsque Malek devient directeur commercial d'un restaurant au cÅ?ur de Paris fin 2011, c'est pour découvrir que son ennemi a acheté à l'étranger des centaines d'avis négatifs publiés sur un site de recommandations. Il croule aussi sous les appels téléphoniques. « Il avait créé une fausse annonce sur Leboncoin.fr avec mon numéro et mon adresse disant que j'offrais mes meubles, m'a inscrit sur des sites pédophiles, libertins et aussi de rencontres gays. J'ai ainsi eu la visite chez moi un soir d'un jeune homosexuel, persuadé qu'on avait rendez-vous... J'ai dû changer quatre fois de numéro ! »

    «Je n'ai plus ni travail, ni argent, ni appartement»

    Impuissant, Malek Mokrani commence à perdre pied psychologiquement, d'autant qu'il ignore encore l'identité de celui qui le poursuit. Il fait même plusieurs malaises cardiaques. Lorsqu'il dépose plainte en janvier 2012, les policiers se rendent compte que celui qu'ils pourchassent a élevé son escroquerie au stade industriel, allant jusqu'à utiliser un brouilleur, qui permet de rendre intraçable l'adresse IP de son ordinateur, et donc de l'identifier.

    « Mais un jour, j'ai eu un flash, raconte Malek. En lisant l'un des commentaires, j'ai reconnu une expression que j'utilisais au travail. » Son ennemi n'est autre que Mehdi Lajnef, un ex-associé, qui lui aurait gardé rancoeur pour une dette de 2 000 EUR... C'est ainsi que Malek comprend d'où est venue la faille. Fin 2010, il avait laissé à cet homme le mot de passe de sa boîte mail pour des raisons professionnelles. « Je l'ai changé tout de suite après, mais à mon insu, il avait modifié les trois questions secrètes qui permettent de reprendre le contrôle de sa boîte en cas de piratage ou d'oubli du mot de passe. Et c'est ainsi qu'il a également pu pirater mon Facebook, qui était lié à cette adresse de messagerie. »

    Malek, qui a fait une tentative de suicide et développé un diabète sévère après cette histoire qui l'a « presque rendu fou », n'en finit plus de compter les dégâts qu'elle a occasionnés. « Ã?a a détruit ma vie : ma belle-famille s'est opposée à mon mariage avec ma nouvelle amie, je n'ai plus ni travail, ni argent, ni appartement... comme si je sortais de prison. Mais le pire, c'est qu'il a fait du mal à ma fille, qui est suivie par un psy et n'ose plus utiliser mon nom. Jamais je ne lui pardonnerai d'avoir abîmé la relation entre mon enfant et moi. »